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Les soldes : vers de nouveaux usages de consommation plus soutenables ?

Rédigé par Welcome Max | juin 2023

Ce mercredi 28 juin a marqué le lancement des soldes d’été. À l'ère de l'e-commerce et de la fast-fashion, où des géants tels que Shein mettent en vente plus de 7 000 nouveaux articles par jour, cet événement a-t-il encore un sens ou est-il devenu une vaste mascarade orchestrée par le marketing ?

 

Petit retour en arrière… En 1830, Simon Mannoury, gestionnaire du premier grand magasin parisien, le "Petit Saint-Jean", lance les premières soldes. Cet événement bi-annuel est destiné à écouler les stocks invendus des magasins, leur permettant ainsi de repartir sur de nouvelles bases pour la prochaine collection.  La mode est déjà le secteur le plus représenté, et aujourd’hui encore elle représente 70% des articles vendus pendant les soldes. Pendant longtemps, ce modèle était intimement lié au commerce physique, et nous avons tous en tête les images d'immenses files d'attente dans les magasins et les scènes chaotiques lors de l'ouverture des grilles le jour du top départ.

 

Essayons d’y voir plus clair sur les comportements actuels…
De la mode à l'électroménager, du Black friday aux soldes d'été, où en sommes-nous aujourd’hui dans ce contexte où le e-commerce ne cesse de prendre plus de place et où les magasins physiques sont largement chahutés ?

 

 

 

Les soldes, un outil au service de la surconsommation ?

Les chiffres parlent d'eux-mêmes : les grandes enseignes de mode soldent en moyenne 50 % de leurs stocks. Alors pourquoi un pourcentage aussi élevé de vêtements est-il censé être invendu, surtout à une époque où les acteurs du secteur disposent des ressources humaines et technologiques nécessaires pour prévoir presque parfaitement les niveaux de stocks en fonction de la demande des clients ?

 

La raison est simple : les soldes ont emprunté la voie consumériste de l'industrie de la mode. Il est désormais courant de voir des enseignes créer des collections spéciales pour les soldes, composées de matériaux de qualité médiocre, afin de brader les prix au maximum. C'est pourquoi vous trouverez une multitude de couleurs et de tailles sur des articles censés être invendus. De plus, les grandes enseignes utilisent d'autres stratagèmes, comme l'augmentation des prix sur certains produits deux semaines avant les soldes (bientôt 30 jours minimum), afin d'appliquer un prix "normal" pendant les soldes et de donner l'impression d'une réduction substantielle.

 

Ainsi, le consommateur se retrouve face à un système opaque, pensant profiter de bonnes affaires alors qu'il achète des vêtements de mauvaise qualité à un prix finalement élevé par rapport à leur réelle qualité.

 

 

 

La faute au E-commerce ?

Aujourd'hui, on estime que 95 % des soldes sont en réalité de vastes coups marketing soigneusement planifiés. Les rares commerçants qui utilisent réellement les soldes pour écouler leurs stocks se retrouvent en difficulté face à une concurrence démesurée. La compétition féroce sur les prix n'est pas viable pour tous les acteurs du secteur.

 

Bien sûr, l'arrivée d'Internet et des plateformes d'e-commerce a bouleversé le paysage commercial et en particulier de la mode, permettant aux consommateurs d'acheter une multitude de produits sans quitter leur domicile. De plus, la diversité des enseignes en ligne a noyé les soldes dans une multitude d'autres offres promotionnelles, au point que 68 % des Français considèrent les promotions en ligne comme plus intéressantes, et 66 % n'attendent donc plus les soldes pour se faire plaisir1.

 

S'ajoutent à cela des événements promotionnels d'envergure tels que le Black Friday, importé directement des États-Unis, qui ont inspiré des acteurs français à créer les French Days, des promotions sur des produits de marque française provenant d'usines en Inde, en Chine ou au Bangladesh, sous couvert de patriotisme.

 

D'autres tendances, moins dommageables, mais néanmoins présentes, se développent également dans le paysage de la mode, comme les ventes privées proposées par certaines marques à leurs clients les plus fidèles, ainsi que la montée en puissance de la vente d'occasion avec le géant Vinted. Autant d’occasions d’acheter moins cher…toute l’année.

 

Alors, peut-on pointer du doigt Internet et les plateformes d'e-commerce comme responsables de la perversion des soldes et du déclin des magasins physiques ? La réponse n'est évidemment pas aussi simple. Récemment, la crise du Covid-19 a porté un coup dur aux acteurs traditionnels de la mode, favorisant ainsi la croissance des plateformes d'e-commerce et des fermetures en cascade de célèbres enseignes en France (163 au total, dont Camaïeu, Kookaï, C&A...). Les consommateurs, contraints par le confinement, ont changé leurs usages pour leurs achats, et ont largement conservé leurs habitudes depuis.

 

Mais on peut également  s’interroger sur les stratégies mal avisées de certains acteurs qui ont ouvert trop de points de vente dans des zones restreintes, saturés de centres commerciaux et en dehors des (nouveaux) parcours clients. Par ailleurs, la multiplication des promotions en ligne par les acteurs de la fast-fashion répond aux attentes des consommateurs, qui en veulent “toujours plus pour moins cher”. Comme le souligne Sébastien Duchowicz, président des Vitrines de Nancy :

 

"Quand on a 25 ans, on préfère s'acheter trois pulls chez Zara ou H&M plutôt qu'un seul chez Promod pour le même prix." 2

 

 

 

Vers des alternatives plus saine ?

Alors même si l’avènement du digital, et les changements d’usages qu’il induit chez les consommateurs, chahutent largement cette institution, c’est également le digital qui vient ouvrir d’autres perspectives de consommation.

 

En effet, de nombreuses marques, en particulier les Digital Native Vertical Brands, se tournent vers des modèles plus respectueux. Par exemple, la marque française Bonne Gueule a décidé de ne pas pratiquer les soldes et a opté pour des prix "justes", proposant des produits de qualité certifiée.

Certaines marques proposent des expériences intéressantes liées aux soldes, comme la plateforme de vente en ligne de mode wedressfair, qui propose des soldes libres : les clients sont impliqués dans leur acte d'achat en choisissant eux-mêmes le niveau de remise (de 10 % à 30 %). Ils expliquent également clairement qui supporte les remises et ce que ces différents niveaux de rabais impliquent. Cette démarche pousse les acheteurs à réfléchir à deux fois avant d'effectuer leurs achats et les incite à prendre en compte les problématiques entourant leur consommation.

Dans cette dynamique d'apprentissage, on trouve également la marque Septem, qui refuse de participer aux soldes, mais propose parfois des promotions sous l'intitulé "nouvelle vie", cette sémantique ayant pour objectif d'éduquer les futurs clients. Internet a également décuplé la visibilité et l’impact d’initiatives, comme celle de Marine Foulon, membre de l'association Zero Waste France, qui participe depuis un an et demi au défi "rien de neuf", aux côtés de 20 000 personnes, afin de lutter contre les impacts environnementaux et sociaux de la surconsommation et de la fast-fashion.

 

Il est donc clair qu'une véritable prise de position se fait jour, non seulement sur la surconsommation en général, mais également sur les soldes en tant qu'événement spécifique. Les divers “boycotts” dont a été victime le  Black Friday récemment sont en ce sens assez parlants. En effet, de nombreuses enseignes ont proposé des alternatives bien plus éco-responsables. Le Green Friday, par exemple, est un collectif de 560 enseignes qui souhaite encourager la consommation plus responsable en communiquant sur l'impact écologique du Black Friday. Elles s'engagent à reverser 10 % de leur chiffre d'affaires des ventes de cette journée à des associations de protection des océans, d'éducation populaire ou de prolongation de la durée de vie des produits. Et elles ne sont pas les seules : d'autres collectifs, tels que Make Friday Green Again ou Giving Tuesday, proposent des actions originales de sensibilisation et de mobilisation, y compris dans les magasins physiques.

 

Bien que les soldes aient encore de beaux jours devant eux, on observe un changement d'état d'esprit et une prise de conscience croissante de leur caractère nocif au sein d'une industrie de la mode hyper compétitive.

 

 

 

Conclusion

Face à la multitude des offres qui permettent de consommer moins cher, les enseignes doivent renouveler d’effort pour écouler leurs stocks et attirer les consommateurs. Et même au-delà, cette évolution des usages et du marché devrait pousser les marques à s’interroger sur leur modèle de production et de distribution. Certaines le font déjà, à nouveau essentiellement des marques “nées sur internet” en proposant par exemple des modèles basés sur la précommande. 

 

Le positionnement et la proposition de valeur des marques semblent de plus en plus essentiels, que ce soit ponctuellement pour les plus opportunistes ou profondément pour les plus engagées. Une bonne compréhension des usages et attentes conso sera essentielle pour suivre les évolutions de ces tendances de consommation : innover oui, mais avec une approche centrée client.

 

Faut-il réinventer l’expérience des soldes ?

 

 

Sources

 

1 Les Français et Leur Budget Soldes, Infographie Sofinscope, 2022, https://www.sofinco.fr/sofinscope/les-francais-leur-budget-soldes-2022.htm.

 

2 “Fermeture San Marina : les marques de prêt-à-porter françaises en pleine crise.” France 3 Grand Est, 16 Fev. 2023, https://france3-regions.francetvinfo.fr/grand-est/meurthe-et-moselle/nancy/fermeture-san-marina-les-marques-de-pret-a-porter-francaises-en-pleine-crise-2715394.html.