Mai 2025 | Christophe COTIN VALOIS
La biodiversité un trésor vital pour l’économie
La biodiversité, contraction de « diversité biologique », désigne l’ensemble des formes de vie sur Terre – des gènes aux écosystèmes, en passant par les espèces. Elle constitue la toile vivante qui permet à la nature de fonctionner.
L’enjeux est systémique, sans biodiversité, pas de pollinisation, pas de régulation climatique, pas de matière première exploitable pour beaucoup d’entreprises, pas de nourriture, ni même d’air respirable et … pas de business.
L’humanité est donc dépendante de la biodiversité, c’est peu visible mais à terme on parle bien de survie de l’espèce humaine, c’est là qu’est la crise car la nature elle, va évoluer et s’adapter à une échelle qui dépasse l’humanité.
On croit beaucoup plus aux technologies et à la chimie qu’au vivant comme outil. Du coup, on ne voit pas l’agriculture, on ne voit pas la production alimentaire, on ne voit pas les écosystèmes.
Marc-André Selosse
Une crise silencieuse mais planétaire qui commence à déstabiliser l’économie
Depuis plusieurs décennies, nous assistons à une érosion sans précédent de la biodiversité. Selon le rapport IPBES (2019) – souvent comparé au GIEC pour la biodiversité – un million d’espèces animales et végétales sont menacées d’extinction, soit plus que jamais auparavant dans l’histoire humaine. Le rythme d’extinction est aujourd’hui 100 à 1 000 fois supérieur au taux naturel.
Les causes ? La destruction des habitats (déforestation, urbanisation), la pollution, la surexploitation des ressources, les espèces invasives, et bien sûr, le changement climatique.
Des impacts directs sur l’humanité
La perte de biodiversité n’est pas qu’une crise écologique, c’est une crise humaine :
-
Santé : 70 % des nouveaux virus émergent par contact avec des animaux sauvages. La déforestation augmente le risque de pandémies.
-
Alimentation : les monocultures et la disparition des pollinisateurs menacent la sécurité alimentaire.
-
Eau et climat : les écosystèmes sains régulent l’eau et le climat. Leur dégradation amplifie sécheresses et inondations.
-
Économie : le WWF estime dans son rapport “Living Planet 2022” que la perte de nature pourrait coûter près de 10 000 milliards de dollars d’ici 2050 à l’économie mondiale.
Et des impacts économiques que l’on commence à considérer
Les organisations de toutes sortes ont subit de premiers effets de la crise de la biodiversité et commencent à considérer ses effets systémiques, de nombreuses études sont commanditées et les chiffres fusent…
Voici quelques exemples :
Coût pour les États
-
France : selon une étude de l’Agence française pour la biodiversité, le coût annuel des services écosytémiques fournis par la biodiversité est estimé à environ 300 milliards d’euros. Leur dégradation pourrait générer des pertes économiques majeures, notamment dans l’agriculture, le tourisme et la pêche.
-
Indonésie : l’Indonésie perd environ 10 milliards USD par an à cause de la déforestation et la perte de biodiversité, en impactant la pêche, l’agriculture et la protection contre les catastrophes naturelles.
Impact financier pour les entreprises
-
HSBC (2023) : la banque britannique a estimé que 50% de la valeur des actifs mondiaux (environ 44 000 milliards USD) est exposée aux risques liés à la biodiversité, notamment dans les secteurs de l’agriculture, de la pêche, des mines et de l’énergie.
-
Unilever (2024) : l’entreprise a signalé que la dégradation de la biodiversité pourrait augmenter ses coûts d’approvisionnement de matières premières agricoles de 20 à 30% d’ici 2030, à cause de la baisse des rendements et de la hausse des prix.
-
BlackRock (2023) : ce géant de la gestion d’actifs a alerté que la crise de la biodiversité pourrait entraîner des pertes financières significatives dans leurs portefeuilles, notamment dans les secteurs dépendants des ressources naturelles, et a renforcé ses critères d’investissement durable.
Les impacts sur certains secteurs sont directement perceptibles et quantifiables, comme pour la grande distribution :
Le coût des matières premières agricoles impact (entre autre) la grande distribution qui dépend massivement des matières premières agricoles (fruits, légumes, café, cacao, poissons, etc.), leur production est directement affectée par la perte de biodiversité (pollinisation, qualité des sols, gestion de l’eau).
-
Impact sur les prix, en 2023 Carrefour a indiqué que la baisse de la pollinisation par les insectes (qui contribue à 35% des cultures mondiales) pourrait augmenter le coût d’approvisionnement en fruits et légumes de 15 à 25% d’ici 2030, soit plusieurs centaines de millions d’euros en plus par an.
-
Impact sur les chaînes d’approvisionnement, une étude de l’ONG WWF estime que la dégradation des écosystèmes pourrait engendrer une augmentation des coûts logistiques et des ruptures d’approvisionnement pour 40% des produits frais vendus en grande distribution, ce qui pourrait se traduire par une hausse des prix pour les consommateurs et une baisse des marges.
-
Risques réputationnels, les consommateurs sont de plus en plus sensibles aux impacts environnementaux. En 2024, 70% des clients interrogés par un cabinet d’études (Nielsen) affirment qu’ils boycottent les marques impliquées dans la déforestation ou la surpêche, ce qui expose les distributeurs à des pertes de parts de marché.
Dans d’autres secteurs les conséquences sont plus indirects ou abstraites, mais néanmoins tout aussi réelles, comme par exemples les formules et les plantes nécessaires à la cosmétique.
Il faut revoir les produits, les procédés (et process métiers internes) tant les risques d’approvisionnement sont nombreux et complexes (raréfaction, coût de transport en hausse…).
Autant de sujets pour se défaire d’une dépendance très risquée à des ressources qui viennent de loin et nécessitent de nombreux procédés de transformation coûteux.
Dans l’hôtellerie, quels sont les impacts liés à la perte de biodiversité ?
L’hôtellerie un secteur avec une forte dépendance aux écosystèmes naturels, notamment dans les zones touristiques littorales ou rurales, où la biodiversité (plages, récifs coralliens, forêts, faune sauvage) est un facteur d’attraction majeur. Dans ces cas de figure le secteur ne peut toujours agir directement sur son offre, il devient alors essentiel de préserver cette biodiversité.
-
Réduction du tourisme de nature Selon une étude de l’Organisation mondiale du tourisme (OMT, 2023), la dégradation des récifs coralliens pourrait entraîner une perte de 12 milliards USD par an dans le tourisme balnéaire mondial d’ici 2030, impactant directement les hôtels situés dans ces zones.
-
Coût d’adaptation et de restauration pour des chaînes comme Accor qui a annoncé que la restauration des espaces naturels autour de leurs établissements, pour maintenir leur attractivité, pourrait coûter entre 5 et 10 millions d’euros par site dans les 10 prochaines années, notamment en zones sensibles (Caraïbes, Pacifique).
-
Pertes liées aux catastrophes naturelles, ainsi les assurances hôtelières peuvent voir leurs primes augmenter de 30 à 50%, voire entraîner des fermetures temporaires, ce qui représente des pertes financières directes. La disparition des mangroves et autres écosystèmes protecteurs augmentant la vulnérabilité des hôtels aux tempêtes et inondations.
Ici il est question de robustesse d'une activité qui doit s'adapter et restaurer le patrimoine dont elle dépend.
Une prise de conscience qui émerge
L’humanité s’est construite sur l’exploitation des ressources et la question de l’abondance n’a jamais été questionnée, le mythe de la solution humaine palliative règne encore, tout comme l’idée de l’adaptation. Mais le concept de limite planétaire met en évidence que l’économie extractive ne va peut perdurer longtemps par manque de ressources, et que les conséquences des activités humaines on largement perturbé le système terre ce qui augmente significativement les risques du "business as usual".
Nous menons une guerre suicidaire contre la nature. Il est temps de faire la paix avec elle.
Antonio Guterres, secrétaire général de l’ONU
Schéma à refaire en plus stylé (made by GPT)
Des initiatives européennes pour la biodiversité
L’Union européenne agit pour enrayer la perte de biodiversité avec des mesures concrètes et de nombreux programmes émergent.
La stratégie biodiversité 2030 vise à protéger 30 % des terres et des mers afin de restaurer les milieux naturels, planter 3 milliards d’arbres et réduire les pesticides.
Le Pacte Vert Européen inclut des mesures pour protéger la biodiversité, avec un investissement estimé à 20 milliards d’euros par an d’ici 2030 pour la restauration des écosystèmes.
La Loi évolue également incluant celle sur la restauration de la nature (2024) imposant à chaque pays de restaurer 20 % de ses écosystèmes d’ici 2030.
Des actions à mener pour protéger la biodiversité et ses activités économiques
Le rôle majeur des entreprises : moteurs ou freins ?
Comme tout problème systémique il convient d’agir sur de nombreux fronts et les enjeux se trouvent au coeur des filières qui doivent se rediriger pour à terme subsister.
Les entreprise disposent à titre individuel d’un champs d’action important, permettant de s’inscrire dans les directives essentielles des filières, comme de la réglementation. Et l’ADEME les y aide.
Par ailleurs, et heureusement, de nombreuses entreprises pionnières ont réussie à renforcer leur modèle économique grâce à une approche holistique, incluant l’ensemble du cycle de vie.
Elles ont renforcé leurs offres, ont fait des pas de côté et s’en trouve d’autant plus robustes. Un exemple très inspirant, celui de l’entreprise Pacheco qui replace l’humain et l’écologie au coeur de sa stratégie.
Quelles opportunités d’action pour les entreprises ?
-
Réaliser des bilans biodiversité comme cela se fait pour le carbone, et pousser les analyses de cycle de vie
-
Réaliser des études prospectives pour limiter leurs dépendances incompatibles à long terme et ainsi réinventer produit et process
-
Repenser leurs chaînes d’approvisionnement pour intégrer des critères de durabilité.
-
Adopter des pratiques marketing plus responsables (limiter l’usage de la vidéo, ou l’envoie d’e-mail excessifs), influencer les comportements vers des choix plus durables
-
Réaménager leurs sites pour favoriser la nature (toitures végétalisées, corridors écologiques…).
-
Revoir leur modèles et explorer rapidement de nouveaux modèles économiques grâce au business design
-
Sensibiliser les dirigeant au plus haut niveau pour générer des discutions stratégiques avec le design fiction
Comment réinventer notre rapport au vivant?
L’innovation par le design de service peut être un levier puissant de transformation en intégrant les enjeux écologiques dès la conception des offres, produits et services de demain, une naturelle et perpétuelle évolution des méthodes, de l’innovation frugale.
Article de la rubrique
UX & Business
À propos de l’auteur

Christophe COTIN VALOIS
UX Strategist & Researcher, Christophe est un expert en méthodologies test’n learn centrées sur l’utilisateur. Il intervient régulièrement entant que speaker, mentor ou rédacteur sur ses sujets de prédilection.