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Les Echos

Cet article a également été publié par la rédaction de Les Echos

Nous n’avions jamais republié cette tribune sur le design thinking, et le sujet a récemment attiré notre attention, car il nous semble toujours d’actualité. Les périodes de crise sont sujettes à l’adaptation et l’actualité nous montre à quel point l’innovation va devenir incontournable pour nombre d’organisations.

 

Pourquoi la mise en œuvre des méthodologies Design Thinking dans les organisations échouent-elles régulièrement ?

Face à aux défis systémiques que la crise mondiale met en évidence, l’innovation ne peut plus être considérée comme un luxe ou un projet à long terme. Elle devient une nécessité urgente, souvent contrainte. La pensée design structure cet impératif pour moins le subir et permet de révéler la créativité des équipes dans la contrainte, au niveau stratégique ou opérationnel;  sur lequel nous nous concentrons dans cet article.

 

C’est dans ce paysage incertain que le design thinking, bien plus qu’une méthode créative, s’affirme comme un levier stratégique pour repenser les modèles existants.

 

Pourtant, intégrer réellement cette démarche suppose un accompagnement sur mesure, capable de répondre aux réalités de terrain : complexité organisationnelle, résistance au changement, ressources limitées…

 

Vous lisez une version courte de la réflexion de l’époque qui nous semble complètement d’actualité, à quelques variations sémantiques près ; les modes se succèdent, mais les fondamentaux restent.


Voici les principales erreurs à éviter pour intégrer l’approche Design thinking dans vos projets pour garder le cap de la pensée design et structurer les projet avec une approche centrée utilisateur :

 

 


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Réduire le design thinking à un simple process, et à des ateliers post-it… c’est passer à côté de son essence.

Trop souvent, les organisations abordent le design comme une méthodologie linéaire qu’il suffirait d’appliquer étape par étape.

Mais innover, ce n’est pas cocher des cases. C’est naviguer dans l’incertitude, accepter le tâtonnement, faire confiance à l’intuition autant qu’aux données, et s’autoriser à déconstruire ce qui semblait acquis. Le processus créatif est vivant : il s’adapte au contexte, évolue avec les enseignements, et exige parfois d’abandonner une idée pour en faire émerger une meilleure.

Récemment, nous avons accompagné un grand groupe français dans un programme d’acculturation au design thinking. Leur démarche initiale, trop rigide, peinait à engager les équipes. Perçu comme un nouveau carcan imposé par la direction, le processus ne produisait ni adhésion, ni résultats tangibles. En recentrant la démarche sur l’empathie, le sens, et l’expérimentation, les équipes ont progressivement repris confiance dans leur capacité à innover. Elles ont compris que le design thinking n’est pas une recette magique (comme certains le promettent), mais un changement de regard — sur les problèmes, les utilisateurs, et leurs propres modes de fonctionnement.

Il ne s’agit pas de remplir des templates, mais de poser les bonnes questions, d’écouter les signaux faibles qui forgent les convictions, de savoir utiliser les bons outils et d’aligner les parties prenantes au bon moment.

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Le design thinking ne fait pas de nous des designers — c’est très bien ainsi, mais faire du design sans designer est improductif.

Les démarches de design thinking sont souvent initiées sans véritable présence de designers.

Dans de nombreuses organisations, ce sont des consultants qui impulsent la méthode, avec l’intention sincère de transformer les pratiques. Et c’est vrai : à mesure que l’on expérimente ces approches centrées sur l’utilisateur, quelque chose change. Le regard s’ouvre, la posture devient plus empathique, l’écoute s’aiguise. Mais cette évolution, aussi précieuse soit-elle, ne suffit pas à faire de chacun un designer.

Le design, c’est un métier. Un designer pense en trois dimensions : il questionne l’utilité, challenge la viabilité, et explore la faisabilité concrète d’une solution. Il ne se limite pas à imaginer : il teste, prototype, itère et collabore étroitement avec les métiers pour ancrer l’innovation dans le réel.

Pour qu’un atelier de design thinking soit vraiment fécond, la diversité des profils est essentielle. Ce croisement des regards — métiers, experts, usagers — permet de sortir des cadres habituels. Mais sans designer pour guider la démarche, ou sans facilitateur pour structurer les échanges, le risque est grand de retomber dans des logiques de consensus mou. Incarner une posture de designer demande du temps, de l’entraînement, et une culture du faire. 

La posture de designer, ce n’est pas une question de bonne volonté, mais de pratique répétée et de collaboration exigeante. Ce qui est unique, c’est ce mélange de savoir faire et de savoir être qui permet de faire des aller-retours constants entre enjeux stratégiques, approche tactique et réalité opérationnelle.


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Un manque de latitude et de réactivité pour expérimenter, arbitrer et accepter les erreurs nécessaires à l’innovation

Comment innover quand tout est déjà figé avant même de commencer ?

L’un des freins majeurs à l’innovation dans les grandes organisations réside dans leur manière de cadrer les projets. Trop souvent, au lancement d’une initiative, tout est déjà verrouillé : brief détaillé (qui ressemble à un cahier des charges de production), budget alloué (avec peu de marge, et souvent peu place pour la recherche terrain), planning défini avec des jalons incompressibles. Or, dans une démarche de design thinking, cette approche pose problème. Comment peut-on prétendre connaître à l’avance le périmètre, le coût et le délai d’un projet... dont on ignore encore les véritables enjeux et opportunités ?

 

Le design thinking propose une autre temporalité : celle de l’exploration, de l’écoute, du questionnement en amont. Le brief ne précède pas la phase de recherche, il en est le fruit. C’est ce que l’on appelle formuler un design challenge — une problématique ouverte, éclairée par les besoins réels des utilisateurs et par les signaux faibles du terrain. C’est à partir de là que les équipes peuvent expérimenter, prototyper, apprendre et faire évoluer la solution de manière itérative.

 

Ce cadre d’expérimentation nécessite de la souplesse — dans les délais, dans les budgets, dans les attentes. Sans cette latitude, on tue dans l’œuf ce qui fait la richesse du design thinking : sa capacité à révéler l’inattendu, à ajuster le tir, à créer des solutions plus justes, car mieux alignées avec la réalité. Innover, ce n’est pas cocher une liste de livrables, c’est apprendre en avançant.

 

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Rechercher des résultats immédiats sans indicateur stratégique, c'est s’arrêter face au moindre échec

Mesurer trop vite, c’est souvent mesurer à côté.

Dans beaucoup d’organisations, la pression des résultats à court terme prend le pas sur la stratégie à long terme. Les projets d’innovation sont ainsi évalués à travers le prisme unique de la rentabilité immédiate, avec des KPI projet ou business classiques. Mais le design thinking ne s’inscrit pas dans cette temporalité. La création de valeur issue de l’exploration, de l’itération et de la co-construction ne peut pas être captée dès les premières semaines. L’adoption d’une innovation prend du temps. Elle nécessite des ajustements, des retours d’usage, parfois même un changement de posture organisationnelle.

À vouloir produire trop vite pour "montrer des résultats", on saute des étapes essentielles : la compréhension des usages, le test de concepts, et l’intégration des utilisateurs en continu dans le processus. On passe en mode exécution, sans s’assurer que la direction est la bonne. Et l’on s’étonne ensuite de la faible adhésion ou du manque d’impact réel, mais les indicateurs sont-ils les bons ? Il y a des effets de bord, des dépendances, des conséquences et cette transversalité est rarement considérée, car le cadre de pilotage est restreint au projet et non aux bénéfices pour l’organisation.

La mesure du succès doit s’étendre au-delà du cadre stricte de la gestion de projet. C’est le paradoxe de notre époque : on parle d’innovation agile, mais on court après des indicateurs rigides. On se réclame du design thinking, mais sans prendre le temps… de penser et de considérer des signaux faibles qui ont leur importance.


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Quelle est la question ?

Bien sûr, ces constats ne résument pas à eux seuls toutes les raisons pour lesquelles les démarches de design thinking peinent parfois à produire l’impact attendu. De nombreux facteurs entrent en jeu — culture managériale, gouvernance, ressources, maturité digitale… Mais ces quatre points reviennent fréquemment sur le terrain. Ils révèlent une réalité souvent sous-estimée : adopter le design thinking, ce n’est pas seulement appliquer une méthode, c’est surtout initier un changement de posture profond.

 

Au-delà des outils, ce sont nos façons de collaborer, de décider, de mesurer et d’apprendre qu’il faut interroger. Qu’on en soit convaincu ou simplement curieux, les organisations qui souhaitent innover durablement n’ont pas d’autre choix que de réconcilier stratégie et empathie, rigueur et intuition, structure et expérimentation. C’est à ce prix que l’esprit du design pourra réellement infuser et transformer, de l’intérieur, notre manière de répondre aux défis d’aujourd’hui. Mais il est souvent nécessaire de se faire accompagner par une agence experte en design thinking.

 

« Alors, est-ce que le design thinking marche ou pas ? »

À cette question, je répondrai tout d’abord que la méthodologie demande un certain contexte, et qu’elle implique un certain nombre d’échecs. Je vous invite alors à vous questionner :

  • Qu’est-ce qu’un échec ?

  • À quel moment de la méthodologie s'arrête t- on et pourquoi ?

  • Avons-nous respecté les fondamentaux de la méthode ? 

Le design thinking a bien été au coeur du moteur de la croissance de grands groupes qui ont su l'intégrer et innover dans le monde entier, devenant souvent leader de leur secteur mais aussi par de plus petites structures qui ont pu évoluer, régler des problèmes de fonctionnement ou imaginer de nouvelles offres. Cette méthodologie a bien infusée le monde du business et a fait l'objet de nombreuses adaptations : service design, business design, design sprint ou encore la Discovery discipline mais les fondamentaux sont là, mais nous y reviendrons dans d'autres articles.

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À propos de l’auteur

Christophe COTIN VALOIS

Christophe COTIN VALOIS

UX Strategist & Researcher, Christophe est un expert en méthodologies test’n learn centrées sur l’utilisateur. Il intervient régulièrement entant que speaker, mentor ou rédacteur sur ses sujets de prédilection.

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